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LA DÉCISION DE LA COMMISSION DES DROITS SUR LE CAS DU JEUNE PHILIPPIN MANGEANT AVEC UNE CUILLÈRE À L'ÉCOLE : DES PRÉOCCUPATIONS RELATIVES À L'ANALYSE DE LA COMMISSION


Montréal, le 2 octobre 2008 --- La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a donné partiellement raison à  une plainte de discrimination raciale déposée par le CRARR au nom d'une mère dont l'enfant a été exposé à  des remarques et des traitements discriminatoires car ayant mangé avec une cuillère et une fourchette en même temps à  l'école.

Dans une décision transmise aux parties le mois dernier, la Commission a statué que malgré la nature discriminatoire des commentaires de l'éducatrice M. B. qui ont violé les droits de l'enfant, la Commission n'a pas trouvé suffisamment de preuves à  l'effet que Luc, 7 ans à  l'époque, a été réprimandé à  cause des coutumes philippines qui consistent à  manger avec une cuillère et une fourchette.

En mai 2006, le CRARR dépose une plainte au nom de Mme Maria Gallardo, la mère de Luc, qui se plaignait que son fils a été l'objet de remarques et de traitements discriminatoires à  l'école Lalande, de la Commission scolaire Marguerite Bourgeoys, et ce, par son éducatrice M. B., à  cause du fait qu'il mangeait avec une fourchette et une cuillère. Selon Mme B., la façon de manger de Luc était « dégoûtante » et sale. Dans un autre incident, elle lui a demandé, sur un ton « humoristique », si les Philippins se lavent les mains avant de manger » (dans la représentation écrite, elle disait que sa question était plutôt, « si dans ton pays, est-ce que les gens se lavent les mains ». Or, Luc, qui est né aux Philippines, est venu au Canada à  l'âge de 8 mois).

Quand Mme Gallardo a apporté la situation à  l'attention du directeur d'école, monsieur N. B., celui-ci lui a dit au téléphone que « vous êtes ici au Canada, il faut que vous mangiez de  la manière dont les Canadiens mangent ». Dans un article de journal, il a également dit qu'« ici, ce n'est pas ça notre manière de manger. Je ne veux pas que les étudiants mangent avec une main ou avec un ustensile, je veux qu'ils mangent de manière intelligente à  la table. Je n'ai jamais vu quelqu'un manger avec une cuillère et une fourchette en même temps ». (traduction)

Dans une décision datée du 18 août 2008 et transmise aux parties le 12 septembre dernier, la Commission constate que le commentaire de Mme B. concernant le lavage des mains dans « son pays » est discriminatoire mais qu'il s'agit d'un incident isolé. En outre, la Commission estime que Luc a été réprimandé par Mme B. pour son « comportement inconvenant » lors du déjeuner et pour avoir agi comme un clown, plutôt que pour sa manière culturelle de manger avec une fourchette et une cuillère. La Commission exerce sa discrétion de ne pas porter le cas devant le Tribunal des droits de la personne et suggère la médiation aux deux parties.

Lors d'une conférence de presse où elle était entourée de membres de la communauté philippine, Mme Gallardo a exprimé son insatisfaction et sa déception, du fait que la Commission a :
- ignoré les échanges entre elle et Mme B., à  savoir s'il est dans la culture philppine de manger avec une cuillère et une fourchette (Mme B. a cité l'exemple d'une jeune fille de la même origine qui mangeait avec une cuillère seulement pour insister que le fait de manger avec deux ustensiles ne fait pas partie de la culture philippine);
- omis de déterminer si les déclarations du directeur de l'école dans une conversation téléphonique avec Mme Gallardo et dans un article du West Island Chronicle, étaient discriminatoires; et
- mis à  l'écart les questions du CRARR à  savoir si la Commission scolaire avait des politiques pour définir et prévenir le racisme, si le personnel scolaire possédait une formation adéquate en matière d'anti-racisme et si ceci aurait contribué à  l'incident.

« En relisant le rapport d'enquête et la décision finale, nous avons la nette impression que la Commission des droits a non seulement accordé plus de poids à  la version de la Commission scolaire, mais qu'elle avait aussi des difficultés à  comprendre le racisme et ses manifestations de manière systémique et subtile. Des témoins clés n'ont pas été interrogés et des éléments de preuve importants, non examinés », dit-elle.

« Franchement, ma famille et moi considérons que la Commission n'a pas fait une enquête et une analyse correcte de notre plainte, car elle ne comprend pas le racisme systémique », de dire Mme Gallardo.

Les préoccupations de Mme Gallardo sont partagées par le directeur général du CRARR. « Nous sommes préoccupés par le fait que la Commission traite un cas ayant des éléments de racisme systémique en matière d'éducation et de discipline scolaire, sans avoir de politiques en ces matières afin d'analyser le cas correctement, surtout en ce qui concerne la culture organisationnelle et les pratiques institutionnelles et non
individuelles ».

« Année après année et recommandation après recommandation, on attend encore que la Commission adopte une politique et des lignes directrices pour son enquête relative au racisme systémique en matière d'emploi ou d'éducation », précise-t-il.

Le CRARR souligne que la Commission ontarienne des droits de la personne a des politiques détaillées en ces matières et qu'elle a même conclu des ententes de règlement dans des cas impliquant un climat éducatif empoisonné par le racisme et des comportements discriminatoires de la part du personnel scolaire qui défavorisent les étudiants racisés et handicapés.

Le CRARR attend l'accès au dossier d'enquête et évaluera avec la famille la possibilité de mener le cas devant le Tribunal des droits de la personne avant le début décembre.

Étant donné que Mme Gallardo doit entamer des procédures à  ses propres frais, des dons monétaires seront sollicités pour appuyer les démarches judiciaires.