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DES PERSONNALITÉS MAGHRÉBINES DÉPLORENT L'IMMOBILISME DU QUÉBEC FACE AUX SÉRIEUX PROBLÈMES DE CHÔMAGE ET DE DISCRIMINATION


Montréal, le 26 mars 2008 --- Réunis sous l'égide du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), un groupe de leaders d'opinion de la communauté québécoise des originaires du Maghreb ont profité de la Semaine d'actions contre le racisme pour dénoncer le scandale que constitue le taux de chômage très élevé affectant certaines communautés immigrantes du Québec.

Les intervenants ont exprimé leur profonde émotion et leur inquiétude devant les difficultés d'accès à  l'emploi que rencontrent en particulier trois communautés : la communauté haïtienne, la communauté noire originaire d'Afrique et, tout spécialement la communauté des originaires du Maghreb.

M. Lamine Foura, journaliste, a ainsi rappelé que, fin février 2008, Statistique Canada a révélé que le taux de chômage dans la communauté maghrébine du Québec s'était établi en 2007 à  27,8 %, quatre fois et demi supérieur au taux de 6,3 % pour le reste de la population du pays.

« Les chiffres ainsi rendus publics et la situation dramatique qu'ils recouvrent, étaient déjà  connus des autorités puisque, au cours d'une rencontre avec les médias ethniques, tenue à  son ministère le 14 septembre 2007, Mme Yolande James, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, abordant la question des difficultés d'emploi rencontrées par la communauté québécoise des originaires du Maghreb avait déclaré : « ce que vit la communauté maghrébine est fondamentalement injuste ». Mais depuis lors, rien de significatif n'a été entrepris pour faire face à  ce problème », a-t-il déploré.

« Cette situation est une honte pour tous les Québécois. Elle est d'autant plus inacceptable qu'elle se trouve alimentée par l'immobilisme des gouvernements qui se sont succédés au Québec et dont les politiques en la matière ont surtout été marquées au sceau de l'incohérence et de l'inefficacité », ajoute-t-il.

Prenant la parole à  son tour, M. Kamal El Batal, agronome qui s'est distingué d'avoir gagné sa lutte contre le racisme dans la sélection des CV et instigateur de cette mobilisation, a souligné que pourtant la communauté maghrébine :

- est francophone à  96,5 %; en outre, 54,1 % de ses membres maîtrisent les langues française, anglaise, arabe et parfois aussi espagnole, et
- bénéficie d'un taux de qualifications universitaires et techniques de 45 %, contre
31 % pour le reste de la population.

« De ce fait, les Maghrébins doivent être théoriquement d'autant plus facilement employables que le Québec se trouve dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre à  tous niveaux d'emploi et dans toutes les régions », note M. El Batal.

Le Dr. Lamia Ouamara, médecin formée à  l'étranger dont le dossier de résidence a été rejeté à  plusieurs reprises par les facultés de médecine, ajoute : « Le contraste est frappant : on retrouve le chômage, l'indifférence, l'immobilisme et la discrimination au Québec, alors qu'en Ontario et dans les autres provinces, les gouvernments, les entreprises et les syndicats bougent activement pour attirer, rentabiliser et garder la main-d'oeuvre immigrante ».

Selon le Dr. Abderrahman El Fouladi, climatologue et directeur d'une publication maghrébine francophone locale, « Depuis le 11 septembre 2001, nous nous sommes vus traités d'étrangers dans notre pays d'adoption. Étrangers, nous le sommes également devenus parmi ceux et celles qui nous avaient vu naître et grandir. Quant à  nos enfants nés et élevés ici, quoi leur dire quand un Maghrébin sur trois au Québec chôme ? »

Pour M. Abdelghani Dades, éditeur d'un journal arabo-montréalais de langue française, cette situation constitue une « promesse brisée » puisqu'elle est en contradiction avec tous les arguments développés par le Québec pour attirer les immigrants francophones et particulièrement les originaires de ce Maghreb qui est le dernier « bassin privilégié d'immigration francophone à  destination du Québec ».

« Il y a certes un bris de confiance avec les Québécoises et Québécois originaires du Maghreb puisqu'ils est démontré que les gouvernements du Québec font très peu pour défendre les principes dont ils se prévalent, d'inclusion, d'égalité et de justice ».

Selon M. Dades, l'inaction des gouvernements et des partis politiques entraînera :

- une remise en cause de la citoyenneté chez bon nombre de Québécois d'origine maghrébine,

- un affaiblissement de la volonté d'adhésion aux valeurs du pays,
- le développement de la tentation de quitter le Québec pour s'installer dans d'autres provinces désormais jugées plus accueillantes,
- le développement des inquiétudes sur l'avenir de la société québécoise qui semble de plus en plus propice à  une évolution de type « banlieues françaises ».

Ces personnalités se sont jointes au CRARR pour demander au Gouvernement et aux partis de l'Opposition les mesures de redressement suivantes :

1. La prise en considération et l'inclusion équitable des immigrants et des minorités ethniques et visibles dans les stratégies de développement économique tels le Nouvel espace économique pour le Québec et le Pacte pour l'emploi; notamment la mise en place, à  l'intérieur de ces politiques générales, de mesures destinées à  répondre aux problèmes spécifiques des communautés les plus discriminées;

2. Des programmes d'accès à  l'égalité (PAE) au sein de la fonction publique, des institutions parapubliques et du secteur privé qui sont réellement porteurs de résultats; un ministre imputable à  l'Assemblée Nationale et une structure de vigilance publique efficace. Quant à  l'équité en emploi au sein de la fonction publique fédérale et des quelques 300 entreprises réglementées par des mesures fédérales au Québec, l'obligation de résultats doit être également exigée;

3. Des programmes de création d'emploi, de stages et de développement de l'employabilité adéquatement financés par Emploi Québec;

4. La révision du système de reconnaissance des acquis à  l'étranger dans sa globalité en éliminant les incohérences et la discrimination systémique existantes; et l'adoption de mesures semblables à  celle de l'Ontario, pour forcer les ordres professionnels à  traiter les demandes d'équivalence avec équité, rapidité et imputabilité;

5. Des réformes aux procédures d'enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pour améliorer le traitement des plaintes de racisme dans l'emploi et pour mieux sanctionner le racisme devant les tribunaux;

6. Une plus grande célérité dans l'adoption du Plan d'action contre le racisme, qui dort depuis plusieurs mois dans les tiroirs du gouvernement; et sa mise en application sans délais; ce plan doit comportent avant des mesures axées sur l'accès et l'équité au sein de tout le marché du travail, du patronat et des syndicats.

Pour le directeur général du CRARR, M. Fo Niemi, « C'est difficile de parler d'égalité et d'intégration aux membres de la communauté maghrébine et des minorités visibles du Québec, avec un taux de chômage de 1 sur 3 ou un taux de 3 % de représentation ethnique dans la fonction publique année après année, pendant 25 ans ».

« Il faut agir rapidement pour que l'égalité soit une valeur fondamentale du Québec et une réalité pour des Québécois dont le nom est Kamal, Hassan ou Dahlia », dit-il.