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UN AN APRÈS SON RENVOI DISCRIMINATOIRE, UNE FEMME NOIRE ATTEND ENCORE LA DÉCISION DE LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE



Montréal, 19 septembre 2016 — Un an après avoir été congédiée parce qu’elle ne possédait pas la citoyenneté canadienne, une femme noire attend toujours la décision de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse au sujet de sa plainte.

Le 18 septembre 2015, Myrlène (en raison de son emploi actuel, un pseudonyme est employé), d’origine haïtienne et résidente permanente du Canada, a été renvoyée de son poste de technicienne comptable au sein de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, après une semaine d’emploi. Le motif : selon la Loi sur les syndicats professionnels (ci-après la « LSP »), seuls les citoyens canadiens peuvent être employés au sein des associations incorporées en vertu de ladite loi.

Effectivement, cette loi, adoptée originalement en 1924, contient des dispositions ouvertement discriminatoires qui stipulent que « seuls les citoyens canadiens peuvent être membres du conseil d'administration d'un syndicat ou faire partie de son personnel » et que le Registraire des entreprises peut ordonner la fin d’un syndicat « lorsque plus d'un tiers de ses membres ne sont pas des citoyens canadiens ».

Vers la fin octobre 2015, le CRARR a déposé, au nom de Myrlène, une plainte de discrimination fondée sur le lien intersectionnel entre la race et l’origine ethnique ou nationale auprès de la Commission, demandant, entre autres, qu’une telle restriction discriminatoire soit déclarée contraire à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et invalide. Notons que la Cour suprême a déclaré en 1989, dans l’arrêt Andrews, que l’exigence de la citoyenneté canadienne comme condition d’admission au Barreau de la Colombie-Britannique était discriminatoire et inconstitutionnelle.

En janvier 2016, une avocate de la Commission recommande la fermeture de la plainte pour deux raisons principales : que la citoyenneté ne fait pas partie des motifs de non-discrimination explicitement énumérés dans la Charte québécoise, et qu’il n’y a aucun lien entre son renvoi et la race ou l’origine ethnique ou nationale.

Le CRARR conteste la recommandation de fermeture en référant à la norme jurisprudentielle voulant que la Charte doit jouir d’une interprétation libérale et contextuelle, et que la grande majorité des immigrants au Québec forme en fait un groupe de personnes racisées, ce qui démontre que la LSP a des effets de discrimination indirecte sur les membres des minorités visibles et des minorités ethniques. Bref, la race et l’origine ethnique ou nationale sont au cœur des dispositions discriminatoires de la LSP, même si celle-ci ne réfère qu’explicitement à la citoyenneté.

Par ailleurs, le CRARR a porté l’affaire à l’attention des ministres de la Justice et de l’Immigration, Me Stéphanie Vallée et Me Kathleen Weil, leur demandant d’agir rapidement pour abolir ces articles discriminatoires, qui constituent de la discrimination légiférée contre des milliers d’immigrants.

On estime que plus de 1 700 syndicats (dont la CSN et la FTQ) et associations sans but lucratif sont incorporés sous cette loi, y compris probablement le Syndicat des employé-e-s de la Commission.

Le CRARR a également contacté les députés Maka Kotto du Parti Québécois et Amir Khadir de Québec Solidaire pour obtenir des changements législatifs. Pour le moment, seul le député Khadir s’est engagé à donner suite.

Depuis février 2016, la Commission semble éprouver des difficultés dans le traitement de cette plainte, étant donné qu’à ce jour, elle ne peut encore émettre une décision sur la recevabilité de la plainte.

« Nous sommes non seulement fort surpris de découvrir qu’en 2015 de telles dispositions législatives discriminatoires puissent encore exister, mais aussi fort préoccupés par le fait que les ministres concernés et la Commission n’aient pu aller de l’avant pour abroger ou faire invalider ces articles », a déclaré le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

« Ces restrictions législatives constituent une entorse à la démocratie québécoise et une contradiction déplorable aux actions du Gouvernement du Québec en matière d’intégration et d’accès à l’égalité en emploi, » selon M. Niemi.