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SIX ANS PLUS TARD, JULIAN MENEZES CONCLUT UNE ENTENTE AVEC LA VILLE SUR LE PROFILAGE RACIAL MAIS LES QUESTIONS SYSTÉMIQUES DEMEURENT NON RESOLUES



Montréal, 21 août 2018 — Six ans après qu’il eut porté plainte en déontologie policière et en droit de la personne contre deux policiers du SPVM pour profilage racial et autres pratiques discriminatoires, Julian Menezes vient de conclure avec la Ville un règlement du litige.

Les parties se sont entendues sur le paiement d’un montant de 25 000 $, sans admission de responsabilité.

Dans cette affaire qui avait fait du bruit en 2012, M. Menezes avait été abusivement et violemment arrêté par deux policiers du SPVM, Stéfanie Trudeau (« matricule 728 ») et Constantinos Samaras, à l’époque des manifestations étudiantes du printemps 2012.

Alors que les deux jeunes femmes de race blanche qui l’accompagnaient n’étaient pas mal traitées, M. Menezes, un professionnel de la santé originaire de l’Asie du Sud, a été menotté et violemment poussé dans une autopatrouille puis a reçu des insultes raciales et homophobes de la part de Stéfanie Trudeau.

Pendant le trajet vers le poste de police, les deux policiers accéléraient souvent et freinaient brutalement de sorte que la tête de M. Menezes a violemment heurté à plusieurs reprises le plexiglass séparant les sièges avant et arrière du véhicule. Finalement M. Menezes a été libéré dans la nuit, dans un quartier inconnu, loin du lieu de son arrestation et sans argent pour rentrer chez lui. Il reçut en outre une contravention de 146 $

À la suite de cet incident, M. Menezes s’est adressé au CRARR pour déposer une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière et une autre auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

En janvier 2017, la Commission a conclu en faveur de M. Menezes et recommandé que la Ville de Montréal et les deux policiers lui paient 40 000 $ en dommages. Selon son habitude, la Ville a ignoré la recommandation de la Commission, et la cause a été portée devant le Tribunal des droits de la personne.

En octobre 2017, le Comité de déontologie policière a condamné le policier Samaras à 2 jours de suspension sans solde pour ne pas intervenir devant l’inconduite de la policière Trudeau. Quant à celle-ci, le Comité, en avril 2018, lui a imposé 17 mois d’incapacité à accomplir des fonctions de police. Le Comité a retenu cinq chefs d’inconduite contre celle-ci : usage excessif de la force, manque de respect envers un citoyen, défaut de s’identifier, avoir mis en danger la sécurité de M. Menezes en ne s’assurant pas que sa ceinture était bouclée et conduite téméraire du véhicule de patrouille.

« Je suis heureux que cette affaire soit terminée après six ans de procédures », a déclaré M. Meneze. « Je suis fier d’avoir tenu bon dans la défense de mes droits constitutionnels et d’avoir accompli mes devoirs de citoyen. Mais bien que je sois satisfait du règlement monétaire, je regrette que la question des pratiques de discrimination systémique au sein du SPVM ne soit toujours pas résolue », dit-il.

« Je regrette de ne pas avoir réussi à obtenir de la Ville un engagement ferme à mettre en œuvre, avec un calendrier précis, le plan de lutte au profilage racial adopté l’an dernier ».

En juin 2017 deux comités du Conseil municipal avaient en effet tenu des consultations publiques qui avaient abouti à 31 recommandations, lesquelles avaient été soumises au Conseil municipal en septembre 2017. Près d’un an plus tard, on ne connaît toujours pas le sort de ces recommandations.

Selon M. Menezes et Alain Babineau, un ancien policier et actuellement, stagiaire en droit au CRARR, les trois plus importants problèmes systémiques dont la Ville doit se préoccuper sont :
1) Sanctions des comportements policiers abusifs : les sanctions contre les policiers connus pour leur comportement violent ou abusifs envers les minorités raciales en particulier et les citoyens et citoyennes en général doivent être plus sévères, allant jusqu’au renvoi (on se rappelle l’arrestation violente du couple biracial Mann-Jacques en mai dernier sur le Plateau) ;
2) Standards plus stricts de reddition de comptes : les cadres du service de police, à commencer par le Chef de police lui-même, devraient rendre des comptes sur leur tolérance systémique envers des policiers connus pour leurs comportements discriminatoires et abusifs ;
3) « La ballade sous les étoiles » : On ne devrait plus relâcher en pleine nuit des personnes vulnérables et sans ressources, comme ce fut le cas de Mina Iquasiak Aculiak, une femme Inuk, relâchée en pleine nuit d’un poste de police à des kilomètres de son centre de réhabilitation, avec seulement un billet d’autobus et qui s’est égarée pendant plusieurs jours. Cette pratique devrait être totalement bannie.

« La Ville devrait aussi publier un rapport annuel sur toutes les plaintes et procédures judiciaires pour racisme et autres formes de discrimination, déposées contre la Ville en général et contre le SPVM en particulier, ainsi que le coût de toutes les procédures judiciaires qui y sont reliées », a déclaré Fo Niemi, directeur général du CRARR.

« Mon cas illustre l’urgence de réformes systémiques qui s’imposent dans l’administration de la Ville et du SPVM en matière de profilage racial. Voici près d’un an que la Ville a reçu des recommandations de deux de ses comités à cet effet et à ce jour ,elles sont restées lettre morte », a conclu M. Menezes.