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LA VILLE DE LAVAL ET DEUX POLICIERS DOIVENT PAYER 24 000 $ POUR PROFILAGE RACIAL CONTRE UN CITOYEN NOIR



Montréal, 29 octobre 2020 — Un résident noir anglophone de Laval dont l’arrestation brutale en mai 2017 avait été captée sur vidéo, vient de remporter une première victoire contre la Ville et des policiers.

La semaine dernière, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a en effet donné raison à monsieur Pradel Content, dans une décision qui recommande qu’il soit payé 24 000 $ en dommages moraux et punitifs. La CDPDJ réclame aussi des mesures que la Ville doit adopter pour prévenir le profilage racial.

Le 14 mai 2017, vers 10 h 30, à Laval, M. Content, un homme noir anglophone de 39 ans à l’époque, affecté par un handicap à la jambe et souffrant d’autres difficultés médicales, était au volant de son auto pour rentrer chez lui.

Sur son chemin, il croise un véhicule du Service de police de la Ville de Laval (SPVL) qui fait abruptement demi-tour pour le suivre. Monsieur Content se dirige alors vers une station-service, sort de sa voiture et filme avec son téléphone la voiture de police.

Le policier Michael Boutin sort de son auto et se dirige vers M. Content, dont il fait sauter le cellulaire des mains et le projette ensuite violemment contre sa voiture. Et avec son équipière Sophie Lavoie, le policier Boutin décide ensuite de menotter M. Content malgré son handicap et sans même lui expliquer le motif de cette arrestation.

Pendant qu’ils maltraitent ainsi M. Content, les deux policiers profèrent des menaces et des commentaires discriminatoires. Ils lui disent notamment qu’il ira en prison pour avoir tenté de filmer le policier Boutin, qu’il est chanceux d’être au Québec, car en Floride on lui aurait tiré dessus, et que son handicap n’est « que dans sa tête ». Après avoir fouillé le contenu de son téléphone et effacé les vidéos, les agents remettent un constat d’infraction de 127 $ à M. Content pour avoir filmé en conduisant.

Son arrestation violente a été captée par l’enregistrement vidéo de la station-service. En août 2017, la cour a rejeté l’accusation pénale portée contre lui.

« Ce fut une arrestation violente et dégradante, aussi révoltante que ce que l’on voit à la télévision américaine. À ce moment-là, j’ai pensé aux citoyens noirs abattus par des policiers et j’ai vraiment eu peur pour ma vie », déclare M. Content.

Par l’entremise du CRARR, il a déposé une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière et de la CDPDJ.

La CDPDJ a conclu la semaine dernière que M. Content a été victime « de profilage racial fondé sur la race, la couleur, le sexe et la langue ainsi que de discrimination fondée sur le handicap », et de violation de ses droits, tels que protégés par pas moins de dix articles de la Charte québécoise des droits et libertés.

La CDPDJ demande aux agents et à la Ville de verser 18 000,00 $ en dommages-intérêts moraux et respectivement 4 000,00 $ et 2 000,00 $ aux agents Boutin et Lavoie Lavoie respectivement, en dommages-intérêts punitifs à M. Content. De plus, la CDPDJ demande au SPVL d’adopter une politique contre le profilage racial et de faire appel à un expert sur le sujet pour informer les policiers sur les biais et les préjugés raciaux.

La CDPDJ demande aussi le relevé et le partage de ses données concernant le profilage racial et d’adopter une politique relative à l’usage et la saisie de téléphones cellulaires, de caméras ou tout item permettant l’enregistrement des interventions policières.

« Je suis heureux de voir que la Ville de Laval doive payer pour le profilage racial pratiqué par ses policiers. Il faut que le profilage racial coûte cher aussi bien au service de police qu’aux policiers personnellement », dit monsieur Content.

La Ville et les policiers ont jusqu’au 6 novembre pour se conformer à la recommandation de la CDPDJ, à défaut de quoi l’affaire sera portée devant le Tribunal des droits de la personne.

Le Commissaire à la déontologie quant à lui, a déposé 12 citations contre le policier Boutin pour ses multiples violations du Code de déontologie des policiers du Québec.

Monsieur Content a trois autres plaintes de profilage racial contre la Ville de Laval, toutes soutenues par le CRARR.

« Nous l’accompagnerons aussi loin que possible, car le profilage racial est un fléau à Laval, cela fait plus de 15 ans que nous avons des cas de profilage par des policiers de Laval », déclare le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

Selon monsieur Alain Babineau, conseiller du CRARR en matière de profilage racial, « la Ville de Laval a un long travail de rattrapage à faire car malgré la diversité de sa population, la Ville a peu d’outils pour combattre le racisme dans ses services, dont le service de police ».

« Il faut que plus de personnes noires déposent des plaintes pour que les autorités finissent par réagir et réalisent l’ampleur du problème à Laval », dit-il.