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UNE FEMME NOIRE DÉPLORE LA BANALISATION DE SON AGRESSION PAR DES POLICIERS ET PAR LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE



Montréal, 8 mars 2020 — Une enseignante noire, victime de voies de faits dans un dépanneur à Montréal, déplore le traitement de sa plainte par deux policiers du SPVM et le Commissaire à la déontologie policière, un traitement caractéristique, selon elle, de l’indifférence avec laquelle sont reçues les plaintes de femmes noires victimes de violence.

Un jour de juillet 2018, Nadine (nom fictif) revient avec ses enfants, une fillette de 4 ans et un garçon de 12 ans, d’un match de soccer dans le quartier Saint-Michel.

Après que son fils soit entré dans un dépanneur sur le Boulevard Robert, pour acheter un « popsicle », un différend surgit entre Nadine et la caissière, une femme d’origine arabe dans la soixantaine qui ne parle pas bien le français, au sujet du prix du « popsicle » que Nadine juge abusif. La caissière traite alors le garçon de menteur et de voleur.

Quand Nadine lui demande de cesser ces accusations, la dame lui lance brusquement une violente gifle et traite de nouveau mère et enfants de menteurs et de voleurs, en présence de plusieurs enfants témoins de la scène. La caissière pousse ensuite violemment Nadine qui la repousse dans un réflexe de défense.

Nadine appelle alors la police pour se plaindre de l’agression dont elle vient d’être victime. Deux policiers, un homme et une femme, arrivent sur les lieux s’informent de la situation auprès du mari de la caissière et de Nadine. À la grande surprise de Nadine, les agents lui disent que la caissière ne portera pas plainte contre elle si elle ne le fait pas non plus.

Les policiers refusent la plainte de Nadine contre la caissière car selon eux, l'enregistrement vidéo ne montre pas que celle-ci l'a giflée. Et ils refusent d’entendre le témoignage des enfants de Nadine, prétextant que leur témoignage serait biaisé en faveur de leur mère. Or, ses enfants sont à côté de Nadine quand elle est giflée par la caissière.

Ils informent ensuite Nadine que son seul recours contre la caissière serait une réclamation devant la Division des petites créances pour les 4 dollars de monnaie qu’elle n’aurait pas rendus à son fils. Et ils concluent en la menaçant de l’arrêter si elle porte plainte contre la caissière. Effrayée par cette perspective, Nadine quitte les lieux avec ses deux enfants, bouleversée par l’agression et par l’attitude des policiers.

Quelques jours plus tard, Nadine se rend au poste de police No. 30 pour porter plainte contre la caissière. Une enquêtrice tente, avec insistance, de la dissuader à nouveau de porter plainte contre la caissière du dépanneur; elle lui dit également qu’elle ne veut pas « perturber » ses enfants en les faisant appeler à la barre des témoins.

Le lendemain, Nadine consulte un médecin qui diagnostique une entorse cervicale et constate qu’elle souffre de stress, d’anxiété et d’insomnie. Elle demeure en suivi psychologique depuis l’agression.

Selon Nadine, les deux policiers ont fait preuve de partialité à son égard, comme femme noire, et à l’égard de ses enfants, à titre de témoins de l’agression. Ils ont accepté sans contestation la version de la caissière tout en refusant d’entendre le témoignage du fils de Nadine, âgé 12 ans, malgré que Loi sur la preuve stipule clairement dans son l’article 16, que « Toute personne âgée de moins de quatorze ans est présumée habile à témoigner ».

Avec l’aide du CRARR, Nadine a déposé une plainte en déontologie policière contre les deux policiers. Après une session de conciliation infructueuse, le Commissaire à la déontologie policière a décidé de fermer le dossier. Elle a déposé une demande de révision de la décision du Commissaire.

Pour Nadine, cette décision est une banalisation de la violence physique et mentale qu’elle a subie en tant que femme noire. Elle est particulièrement troublée par le fait que les deux policiers ont refusé de considérer son fils comme un témoin crédible afin de ne pas remettre en cause la version de la caissière.

« Mon fils et plusieurs autres enfants noirs qui étaient dans le dépanneur ont vu la caissière me gifler, mais les deux policiers ont décidé arbitrairement et à mon détriment, de ne pas recueillir leurs témoignages, faisant ainsi preuve de partialité dans l’exercice de leurs fonctions », constate Nadine.

« Je trouve inconcevable que Commissaire à la déontologie policière juge acceptable que des policiers décident de leur propre chef d’ignorer des témoignages dans un incident public de voies de fait », dit-elle.

Selon le directeur général du CRARR, Fo Niemi, ce n’est pas la première fois que l'organisme est saisi de cas des femmes racisées et de leur enfants, qui ont été victimes d’actes de violence, de discrimination ou d’intimidation, dans lesquels les enfants ne soient pas acceptés comme témoins par les autorités publiques.

Le CRARR aussi répertorié plusieurs cas semblables qui ont été portés auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui, elle aussi, ignore souvent les témoignages des victimes ou des témoins mineurs.