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LA VILLE DE MONTRÉAL ET UN POLICIER DOIVENT PAYER 18 000 $ POUR PROFILAGE RACIAL À L’ENDROIT D’UN AGENT DE SÉCURITÉ NOIR



Montréal, 17 novembre 2019 — Un agent de sécurité privé noir a remporté une première victoire avec sa plainte de profilage racial, contre la Ville de Montréal et un de ses policiers qui a déjà fait l’objet de plusieurs sanctions déontologiques pour inconduite depuis 2002.

Dans une décision transmise aux parties il y a trois semaines, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse demande à la Ville de Montréal de payer à monsieur Rivelino Bélizaire 15 000 $ en dommages moraux et à l’agent Éric Locas, 3 000 $ en dommages punitifs.

Le policier Locas est un policier de 24 ans d’expérience affecté au service de sécurité routière depuis plus de 10 ans. Le 4 février 2016, un agent de sécurité dans un cégep et d’origine haïtienne, a traversé la rue hors du passage pour piétons. Il a été intercepté par le policier Locas. Lors de l’interception de M. Bélizaire, le policier Locas lui a demandé d’un ton hostile, de répéter son nom à quatre reprises, le considérant « pas facile à comprendre ». Il lui a remis ensuite un billet de contravention de 48 $ pour avoir traversé la rue « à un endroit autre que… le passage pour piétons.

Le policier Locas est revenu le lendemain sur le lieu de travail de M. Bélizaire pour rencontrer le supérieur de celui-ci afin de se plaindre de l’attitude de M. Bélizaire.
Considérant le comportement du policier Locas comme abusif et discriminatoire en raison de sa race, M. Bélizaire a déposé une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière. Avec l’aide du CRARR, il a déposé également une plainte pour profilage racial auprès de la Commission des droits.

En janvier 2018, le Comité de déontologie policière conclut que le policier Locas a dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec, en ne s’étant pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction, « en allant rencontrer le superviseur de M. Bélizaire pour des fins impropres ». Selon le Comité, « cette rencontre … était inappropriée et inconvenante …nettement exagérée, voire même déplacée, et aurait pu être lourde de conséquences pour M. Bélizaire ».

Étant donné les antécédents du policier Locas qui a déjà commis « sept dérogations au son dossier déontologique en quatre présences devant le Comité, entre 2002 et 2017 », le Comité lui impose une suspension sans solde de 12 jours ouvrables. En outre, considérant « une certaine difficulté dans [les rapports du policier] avec le public », le Comité suggère à ses supérieurs de lui imposer une « formation sur les règles que tout policier dans l’exercice de ses fonctions doit respecter et du comportement qu’il doit avoir avec le public ».

Le policier Locas a porté la décision du Comité en appel, sans succès.

« Bien sûr, je suis content de cette décision de la Commission des droits, car elle vient confirmer ce que le Comité de déontologie policière n’a pas fait : que ce fut un acte de profilage racial dès mon interception jusqu’au moment le policier est allé me dénoncer auprès de mon superviseur », dit M. Bélizaire.

« De me faire répéter un nom comme le mien quatre fois, et de me dénigrer de même, démontre, entre autres, un manque de connaissance de la diversité ethnique de Montréal », ajoute-t-il.

Pour le CRARR, ce qui est aussi préoccupant est le fait que le policier a plusieurs antécédents déontologiques et que les citoyens qui ont porté plainte contre lui sont des personnes d’origine sud-asiatique, anglophone, italienne, arabe et noire, entre 2002 et 2017.

« Peut-on parler de pattern de comportements de récidive abusifs et discriminatoires ? Que doit faire le SPVM face à des policiers qui ont de tels antécédents déontologiques ? » demande M. Alain Babineau, conseiller du CRARR.

« Nous avons ici un très bel exemple de cas de profilage racial et de faille systémique avec les mécanismes internes du SPVM en matière de dépistage, de sanction et de prévention. Combien d’autres manifestations de préjugé racial de manque de professionnalisme, de respect et d’équité qu’il faut avant que le SPVM agisse plus fermement ? », dit M. Babineau.

Selon M. Fo Niemi, directeur général du CRARR, « Le cas de M. Bélizaire démontre pourquoi nous avons demandé récemment, à la consultation de l’Office de consultation publique de Montréal, de recommander à la Ville de publier annuellement un registre de plaintes, de griefs et de poursuites en matière de discrimination, de harcèlement et de profilage. »

« Les cas augmentent, et les coûts du profilage racial aussi », dit-il, référant au 6 cas de profilage racial du CRARR impliquant le SPVM actuellement devant le Tribunal, avec une réclamation de 150 000 $.

La Ville de Montréal a eu jusqu’au 15 novembre dernier pour se conformer à la recommandation de la Commission, à défaut de quoi le cas sera porté devant le Tribunal des droits de la personne.