Fondé en 1983 --Unis pour la diversité et l'égalité raciale

LES CAS DE DISCRIMINATION RACIALE À KAHNAWAKE RÉFÉRÉS AU TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE



Montréal, 21 décembre 2016 — Un an après enquête, la Commission canadienne des droits de la personne a conclu que les plaintes déposées par cinq résidents Mohawk de Kahnawake contre le Conseil des Mohawks de Kahnawake (CMK) méritent d’être entendues par le Tribunal canadien des droits de la personne.

Ces dossiers soulèvent des questions légales fondamentales et pourraient se rendre jusqu’à la Cour suprême du Canada.

Le fondement des plaintes est une loi du CMK qui exclut les membres biraciaux de la communauté. Les plaignants ont déclaré être victimes de discrimination soit en raison de leur origine biraciale, soit pour être en relation avec une personne de race blanche. En vertu de cette loi contestée, les plaignants ont été menacés d’expulsion par le conseil de bande malgré le fait qu’ils sont nés ou ont été élevés à Kahnawake.

Les plaignants, qui sont des résidents de la communauté et inscrits sous la Loi sur les Indiens, se sont vus refuser l’inscription sur le registre des membres par le CMK. La conséquence de ce refus est qu’ils ne sont pas reconnus comme membres de la communauté. Cette décision est motivée par une loi sur le membership du CMK, lequel comporte des critères basés sur la race ou le lien de sang.

Ces règles qui touchent des centaines de résidents de Kahnawake biraciaux ou qui ont un(e) conjoint(e) non Mohawk, sont discriminatoires et violent leurs droits fondamentaux, dont le droit de vote, le droit de participer aux réunions officielles du CMK et le droit d’avoir l’accès égal aux services et aux bénéfices de la communauté. De nombreuses personnes dans cette situation font face actuellement à l’expulsion de la communauté ou ont même reçu des menaces de violence et d’intimidation.

Cinq des victimes ont demandé l’aide du CRARR afin de déposer des plaintes contre le CMK en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Cinq plaintes ont donc été déposées en leur nom, par le CRARR, en août 2015. Les plaignants et victimes, dont l’âge va de la pré-adolescence à la cinquantaine, allèguent la discrimination et le harcèlement fondés sur la race, la situation familiale, le genre et l’origine ethnique ou nationale.

Les plaignants allèguent également que le CMK a non seulement échoué à protéger les victimes contre l’intimidation, mais il a lui-même contribué à la création d’un environnement racialement empoisonné qui compromet sérieusement le droit des résidents à la sécurité physique et psychologique.

Vers la fin du mois de novembre 2016, la Commission canadienne des droits de la personne a formellement avisé les cinq plaignants que leurs dossiers allaient être référés au Tribunal canadien des droits de la personne pour une « enquête approfondie ».

« Nous sommes à la fois contents et tristes en apprenant cette décision », a déclaré « Linda », l’une des plaignantes. « Contents, parce que nos dossiers pourront permettre aux Canadiens non-Mohawk à travers le pays de comprendre que la discrimination fondée sur la race et le genre existe encore au sein de notre propre communauté, et que ce phénomène est aussi dévastateur que la discrimination raciale et sexuelle dirigée contre nous au sein de la société canadienne ».

« Mais nous nous sentons tristes aussi parce que nous avons dû poursuivre notre Conseil de bande pour discrimination, sachant que le CMK devra dépenser beaucoup d’argent en frais judiciaires, alors que cette somme aurait pu être bien mieux utilisée pour fournir des services à notre communauté », a ajouté Linda.

« Si la discrimination fondée sur la race, le genre et la situation familiale devait prévaloir devant les tribunaux, cela conduira à notre expulsion de la communauté et des milliers des personnes dans notre situation pourraient être privées de leur terre natale et devenir des « sans abri », a déclaré « Cindy », une autre plaignante.

« Notre nouvelle génération est plus biraciale ou même multiraciale, et plus globalisée et confiante, et nous avons besoin d’une vision du 21ème siècle pour notre nation, afin qu’elle soit plus inclusive et construite aussi bien sur la base des traditions ancestrales de la nation Mohawk que sur les principes modernes et universels des droits de la personne », a ajouté Cindy.

Dans sa décision, la Commission a également soulevé des questions d’ordre constitutionnel. Par exemple, est-ce que l’application de la LCDP aux gouvernements des Premières Nations pourrait porter atteinte au droit des peuples autochtones à l’autogouvernement et à l’auto-détermination ? Ou encore, est-ce que les droits à l’identité collective et à l’autodétermination pourraient justifier la discrimination fondée sur la race et le genre envers les membres de la collectivité ?

« Ces cinq dossiers soulèvent bon nombre de questions complexes d’ordre juridique, social, culturel et politique dont les principes de la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones concernant la non-discrimination dans l’exercice du droit d’appartenance à une communauté ou à une nation indigène tel que reconnu par le droit coutumier », a noté Fo Niemi, le directeur général du CRARR.

Toutes les parties impliquées, y compris la Commission canadienne des droits de la personne, ont jusqu’au 3 janvier 2017 pour décider si elles opteront pour la médiation ou si un procès en bonne et due forme devra avoir lieu.

« Nous croyons que la médiation devant le Tribunal, à laquelle les cinq plaignants sont ouverts, constitue la meilleure avenue car elle favorisera une résolution plus consensuelle et constructive du litige », a conclu M. Niemi.

Depuis le juin 2011, la LCDP s’applique pleinement aux gouvernements et aux communautés des Premières Nations, ce qui rend illégal les actes de discrimination et d’harcèlement fondés sur les motifs prohibés tels que la race, le genre, le handicap et le statut familial.

La LCDP a été amendé par le Parlement en 2008, après une vaste consultation avec les Premières Nations, afin de permettre son application aux domaines traditionnellement protégés par la Loi sur les Indiens, comme l’élection du conseil de bande et les codes de membre. Les amendements ont accordé une période de transition de trois ans pour permettre aux gouvernements et aux autres institutions autochtones de s’adapter aux principes et aux exigences de la loi.