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DÉCLARATION À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE LA PERSONNE



Montréal, 10 décembre 2015 — En cette Journée internationale des droits de la personne, plusieurs défis se manifestent à l’horizon pour la société québécoise en ce qui concerne la mise en œuvre des droits et libertés fondamentaux. Malgré certains gains importants, il y a cinq grands défis à relever.

En premier, se trouve la violence institutionnalisée envers les femmes autochtones. Les allégations de violations des droits de ces femmes par des policiers à Val d’Or, entre autres, nous rappellent les obstacles majeurs auxquels ces dernières font face quant à l’accès à la justice, à la protection effective de leurs droits et quant à leur accession à des conditions socio-économiques équitables. Souhaitons que l’enquête annoncée cette semaine par le Gouvernement du Canada sur la disparition et le meurtre des femmes autochtones s’étende à tous les aspects du traitement de ces femmes par notre société afin d’apporter des solutions concrètes et globales à cette tragédie nationale.

Le second défi concerne les actes de violence physique et psychologique, tant explicites que subtils, dirigés envers les femmes musulmanes, notamment celles qui portent le hijab. Ces actes nous rappellent de nouveau l’intersectionalité du racisme, du sexisme et de l’Islamophobie. Malgré le refus par certains de reconnaître le concept de l’Islamophobie, il est urgent de s’attaquer aux crimes haineux et à la discrimination intersectionnelle qui instituent à l'égard de ces femmes et de leurs familles, une forme d’exclusion systémique se traduisant par un taux de chômage et une ghettoïsation économique disproportionnés.

Le troisième défi est la lutte contre le racisme systémique qui demeure encore au Québec, à l'aube de 2016, une promesse non tenue. Se cantonnant à la perspective limitée du racisme « ponctuel », individuel et intentionnel, plusieurs institutions résistent encore à la reconnaissance de cette forme de discrimination.

À cet égard, les dossiers menés et soutenus par le CRARR devant les divers tribunaux révèlent un niveau préoccupant de résistance juridique, voire d’incompréhension de la part des institutions face au racisme systémique et à l’intersectionalité, ce qui explique, entre autres, le manque de progrès dans la lutte contre le profilage racial.

En refusant, pour des motifs idéologiques, d’agir même lorsque la preuve de racisme systémique est évidente, ces institutions réduisent considérablement leur rôle, pourtant essentiel, dans la prévention et la dissuasion des pratiques discriminatoires envers les minorités racisées et ethniques, et les peuples des Premières Nations.

Le quatrième défi est la lutte contre le double discours publics en matière des droits des minorités, qui semble devenir de nouveau une pratique courante. On vante souvent les mots « diversité », « égalité » et « intégration » d'une part, et d’autre part, on maintient des lois et des pratiques d’exclusion, même au niveau de l’État.

À titre d’exemples, la Loi sur les syndicats professionnels qui exclut les résidents permanents non naturalisés canadiens, de l’emploi au sein des associations syndicales et sectorielles, et la nomination récente des conseils d’administration des PME-MTL, organismes de soutien à l’entrepreneurship à Montréal, qui n’a pas tenu compte de la diversité ethnoraciale de la Ville.

L’accès à la protection effective contre les discriminations est le cinquième défi de taille pour le Québec. Ce défi appelle à une révision, voire une transformation en profondeur du régime actuel des droits de la personne. L’accès direct au Tribunal des droits de la personne doit être permis sans l’obligation de passer par la Commission des droits de la personne, où les enquêtes peuvent prendre 2 à 3 ans ou s'avérer fort problématiques. Une modification législative en faveur de l'accès direct, réclamée depuis la décision de la Cour d'appel en 1997, est d’autant plus urgente étant donné que la Commission possède de moins en moins les moyens nécessaires pour traiter correctement, entre autres, les cas de racisme systémique.

Le moment est aussi venu d’innover et de réformer le système de traitement des plaintes individuelles de discrimination, afin d’explorer des alternatives plus efficaces tant pour l’État que pour les victimes.

La Journée internationale des droits de la personne nous encourage, voire nous oblige, à regarder non seulement les luttes d’antan et les acquis d’aujourd’hui, mais aussi les opportunités de demain, et ce, afin de faire des droits de la personne et de la protection des droits des minorités, une valeur québécoise fondamentale.