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DÉCLARATION À L'OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE CONTRE LA DISCRIMINATION RACIALE



Montréal, le 21 mars 2014 — La Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale est une occasion annuelle de souligner les gains importants dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes, tant ici qu’ailleurs, et d’examiner les mesures à prendre pour l'avenir.

Cette Journée, qui commémore le massacre à Sharpeville, en Afrique du Sud, en 1960, lorsque les autorités du régime de l’apartheid tiraient sur les manifestants noirs et tuaient 69 personnes, a été proclamée par les Nations-Unies en 1966 dans le but de souligner la nécessité de combattre la discrimination raciale et de promouvoir les principes universels de droits de la personne.

En 2014, la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale revêt une importance particulière car l’ancien Président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandella, un acteur clé du mouvement anti-Apartheid, a quitté notre monde en décembre dernier après l’avoir marqué avec sa vision extraordinaire de liberté, de justice, de compassion et d’égalité. Cette vision doit continuer à nous guider.

La Journée du 21 mars 2014 représente aussi une date importante pour notre pays avec l’introduction en septembre dernier, par le gouvernement du Québec, du projet de loi 60, la Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement. Ce projet de loi, qui produit des retombées particulièrement néfastes pour les relations raciales et interethniques et pour des membres de plusieurs minorités racisées, ethniques et religieuses au Québec, comporte une hiérarchie de droits et bouleverse les principes de droits de la personne universellement reconnus.

En cette Journée et dans les mois qui suivent, il est donc nécessaire d’être vigilant à l’égard de toute mesure institutionnelle ayant pour effet de limiter et de compromettre les droits fondamentaux protégés dans nos chartes canadienne et québécoise et dans les conventions internationales des droits et libertés.

Par ailleurs, l’évolution de la discrimination raciale dans le contexte social, économique, politique et juridique actuel démontre la nécessité de se doter des lois et des actions efficaces pour contrer le racisme systémique, un phénomène qui exige une analyse différente et plus sophistiquée car il comporte des dimensions institutionnelles d'apparence neutre, ayant des effets d'exclusion et souvent plus difficiles à cerner.

À cet égard, le CRARR est particulièrement préoccupé par le fait que les organismes publics chargés de la protection des droits traitent des plaintes de racisme systémique, notamment dans le domaine de l’emploi, sans se doter de politiques et de lignes directrices détaillées leur permettant d’examiner ces cas selon les normes d'analyse contemporaines.

La résistance institutionnelle à la reconnaissance du racisme systémique aurait un lien avec la quasi-absence de cas relatifs à cette problématique qui sont portés tant devant le Tribunal des droits de la personne que devant les tribunaux de droit commun, au cours des dernières années. Dans cette optique, la décision de la Cour supérieure en 2013, Tanisma c. Montréal, est un précédent historique mais elle est le fruit de la détermination de M. Olthène Tanisma, un fonctionnaire municipal noir, de contester le racisme systémique dans la promotion à la Ville de Montréal et ce, à ses frais, après avoir perdu la protection de la Commission des droits de la personne.

En bout de ligne, à cause de cette résistance, ce sont non seulement les victimes du racisme systémique, mais aussi les victimes d’autres formes de discrimination systémique, qui sont perdantes au niveau de la pleine et égale jouissance de leurs droits.

Finalement, le CRARR demeure fort préoccupé par la stagnation des actions contre le profilage racial. Le traitement des plaintes de profilage racial déposées à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prend souvent jusqu’à 4 à 5 ans et que dans plusieurs cas déjà documentés, des dossiers sont laissés inactifs pendant 2 à 3 ans, sans aucune enquête et sans interrogation des personnes mises en cause et des témoins. Le délai excessif pourra entraîner un taux de rejet élevé de ces cas et éventuellement, une perte de confiance des victimes face au système de justice.

Le législateur québécois devra aborder les causes de longs délais, dont l'insuffisance des ressources, dans le cadre de son prochain examen annuel des travaux de la Commission.