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PROFILAGE RACIAL DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN : 23 000 $ POUR UN USAGER NOIR DU MÉTRO DE MONTRÉAL


Montréal, 5 février 2012 --- La Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) a accordé 23 000 $ à un professionnel de la santé de race noire qui a été victime de profilage racial dans une station du métro de Montréal en février 2010.

La décision de la Commission a été rendue publique aujourd'hui lors d'une conférence de presse dans la Petite-Bourgogne, un quartier du centre-ville. Elle crée un précédent important non seulement quant au montant des dommages, mais également en raison des mesures systémiques concernant l'affectation du personnel et la vérification des preuves de paiement dans le transport en commun.

Un anglophone dans la cinquantaine qui paraîssait plus jeune, M. V. rentrait chez lui après son travail. Il est arrivé à la station de métro Lionel Groulx peu avant minuit et se dépêchait pour prendre son bus. Alors qu'il arrive en haut de l'escalier, un inspecteur de la Société de Transport de Montréal (STM) l'arrête. Puisqu'il n'entend pas les paroles de l'inspecteur (son français est limité) et qu'il ne se rend pas compte qu'on lui parle, il continue de marcher. Il est alors attrapé par l'inspecteur. Quelques secondes après, six autres agents arrivent et le poussent vers un coin de la station. Ensuite, on l'entoure, le saisit violemment et le menotte, avant de le jeter dans une pièce fermée, et ce, sans l'avertir des raisons de l'arrestation.

Les agents le fouillent, ainsi que son sac. Par la suite, ils lui mettent une contravention de 324 $ (pour entrave) dans la poche de son manteau, le forcent à se lever et l'emmènent à la sortie de la pièce avant d'enlever les menottes. Traumatisé, il demande une explication de ce qui s'est produit. Les agents le saisissent donc par le col et le forcent vers l'escalier mécanique. Ils menacent également de lui donner une autre contravention s'il ne part pas aussitôt. Alors qu'il essaie de nouveau de demander une explication, on le jette hors de la station. Il lui a fallu plus d'une demi-heure pour que M. V. se remette de cette agression et prenne le bus pour se rendre chez lui. Une fois arrivé, il s'effondre sous le choc. Il ne peut pas dormir ni aller travailler le lendemain.

Ce n'est qu'après avoir assisté à une réunion communautaire dans la Petite-Bourgogne au mois de février 2010 que M. V. s'est rendu compte du fait qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé. La réunion a été organisée par le CRARR et Desta, un organisme de la communauté noire locale, ayant pour but de dénoncer les pratiques sélectives de la STM en ce qui concerne le contrôle de preuves de paiement. À l'instar d'autres passagers, M. V. a mandaté le CRARR de déposer une plainte de profilage racial. Il a également eu gain de cause après avoir contesté l'amende à la cour municipale.

La semaine dernière, la CDPDJ a conclu que M. V. avait effectivement été victime de profilage racial, ainsi que d'autres violations de ses droits, dont le recours à une force excessive, à la détention, à la fouille illégale de son manteau et de son sac, ainsi qu'à une amende abusive. La Commission ordonne à la STM et aux inspecteurs de lui verser 15 000 $ à titre de dommages moraux; en outre, elle exige que les quatre inspecteurs impliqués lui versent 8 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs. Tel que revendiqué par le CRARR, la Commission demande aussi à la STM :

  • d'adopter des politiques interdisant le profilage racial associé à la vérification des titres de transport et à la circulation de la clientèle;
  • de recueillir et de publier, de façon systématique, des données concernant l'appartenance raciale des individus impliqués dans une intervention de ses agents;
  • de formuler des directives permettant de détecter et de contrôler les manifestations de profilage racial chez ses agents; et
  • de prendre des mesures visant à s'assurer que les pratiques de recrutement, d'évaluation et de promotion des inspecteurs tiennent compte des compétences interculturelles.
  • « Pendant deux ans, la STM a essayé de faire de moi un criminel, ainsi que de m'enlever ma dignité, ma sécurité et mes droits en tant qu'homme noir et libre », a déclaré M. V. « Autrefois, ils voulaient que l'on s'assoie à l'arrière du bus; aujourd'hui, ils veulent nous profiler et nous détruire psychologiquement, financièrement et légalement. Aujourd'hui, ils ont perdu ».

    « Ma bataille pendant ces deux dernières années n'est pas seulement un combat personnel contre le mal du profilage racial dans le transport en commun. Elle est aussi une lutte pour la dignité et la liberté de tous les usagers du transport en commun, qu'ils soient noirs, bruns ou blancs », a-t-il dit.

    « À toute la communauté noire, mais surtout aux jeunes, je dirai ceci : Levez-vous et défendez vos droits. Si moi, je peux le faire; vous aussi, vous en êtes capables. Oui, nous pouvons faire échec aux injustices raciales ».

    D'ajouter Fo Niemi, directeur général du CRARR, qui a travaillé sur ce dossier avec l'assistance d'Elena Toews, stagiaire en travail social, et de Nicole Duong et d'Anthony Morgan, stagiaires en droit, tous les trois de l'Université McGill : « Il s'agit d'une des décisions les plus importantes contre le profilage racial dans le transport en commun au Canada. Nous sommes contents que la Commission des droits de la personne ait émis des mesures systémiques pour combattre le profilage racial dans le transport en commun à Montréal ».

    « S'il est contesté devant les tribunaux, ce cas nous offrira l'occasion exceptionnelle d'examiner en profondeur les pratiques de vérification de preuve de paiement de la STM, de la gestion de son personnel, ainsi que la conformité de ses opérations aux chartes des droits. Nous avons cinq autres cas qui impliquent les personnes de couleur de tous les âges qui ont été victimes de discrimination et d'abus par la STM », selon lui.

    La STM doit payer M. V. et mettre en œuvre les mesures pour combattre le profilage racial avant le 17 février 2012, faute de quoi la Commission présentera le dossier au Tribunal des droits de la personne.