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PROFILAGE RACIAL : 20 000 $ À UN COUPLE AFRICAIN SUITE À UNE INTERPELLATION POLICIÈRE À MONTRÉAL



Montréal, le 4 février 2011 --- La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse demande à  la Ville de Montréal d'accorder 20 000 $ en dommages à  un couple noir qui a été traité de manière discriminatoire par une policière au centre-ville.

Le 9 avril 2007, M. Félix Fini, et Mme Christy Coulibaly, originaires respectivement de la Côte d'Ivoire et du Burkina Faso, rentraient d'un souper chez des amis vers minuit 30. Diplômés de l'Université du Québec à  Trois-Rivières et tous deux dans la vingtaine, M. Fini et Mme Coulibaly sont accompagnés de leur fils de 2 mois qui dormait sur la banquette arrière de leur voiture. Après avoir quitté la station d'essence au coin des rues Papineau et Ontario, le couple se dirigeait vers l'Ouest, lorsqu'il a été interpellé pour « une vérification de routine », par deux policiers à  bord de leur auto patrouille.

M. Fini présenta à  la policière son permis de conduire délivré dans son pays d'origine. Il est arrivé au Canada en 2002 comme étudiant étranger, et n'a obtenu son permis québécois qu'en novembre 2007. La policière lui dit qu'il ne pouvait pas conduire avec ce permis et que la voiture n'était pas enregistrée à  son nom. M. Fini répondit que la voiture était enregistrée au nom de son épouse.

Voyant la réaction de M. Fini, la policière lui dit qu'il devrait retourner dans son pays d'origine s'il était exaspéré d'être au Canada. Surpris, M. Fini lui demanda pourquoi il devrait retourner dans son pays d'origine, et si cette observation ne constituait pas du racisme. La policière lui répéta qu'il pourrait retourner dans son pays s'il n'est pas content de se faire arrêter par la police.

À un certain moment, la policière adressa au couple des questions telles que « Pourquoi vous êtes au Canada ? », « qu'êtes-vous venus faire au Canada ? » et « depuis tout le temps que vous êtes au Canada, qu'attendiez-vous pour obtenir un permis du Québec ? ».

Après une deuxième vérification dans son véhicule, la policière est revenue pour informer M. Fini que son permis de conduire avait été sanctionné par la SAAQ, ce qu'il ignorait à  cause de son déménagement à  Montréal en février 2007, et que la voiture serait saisie.

Environ 45 minutes après l'interpellation, la voiture était effectivement remorquée. Pendant ce temps, le couple a été obligé d'attendre sur le trottoir avec son bébé. Auparavant, M. Fini avait informé la policière de la présence de son enfant sur le siège arrière. D'un ton sec et sans prendre la peine de le vérifier, celle-ci lui demanda comment prouver qu'il y avait un bébé dans la voiture, et l'obliga à  quitter la voiture.

Voyant que le bébé commençait à  avoir froid, M. Fini est allé demander à  la policière s'il était possible de le garder dans l'auto patrouille. Celle-ci répondit que la voiture de police n'était « pas un taxi ». M. Fini dit alors que lui et son épouse n'avaient pas assez d'argent pour prendre un taxi afin de rentrer chez eux, à  Ville Saint-Laurent. La policière lui dit de rentrer chez lui à  pied.

Les deux policiers remettaient ensuite au couple une contravention de 430 $ pour conduite avec un permis sous sanction.

Dans la plainte déposée par le CRARR au nom du couple, M. Fini et Mme Coulibaly dénoncent non seulement les propos injustifiés de la policière relatifs au pays d'origine de M. Fini et aux motifs de sa présence au Canada, mais aussi d'avoir dit à  M. Fini de retourner dans son pays « s'il n'était pas heureux au Québec ». Ils reprochent également à  la policière son insouciance pour la santé et  la sécurité de leur bébé.

Dans sa décision adoptée en novembre 2010 et transmise au couple la semaine dernière, la Commission considère qu'il y a suffisamment de preuves de violation du droit du couple à  l'égalité, à  cause de son origine ethnique ou nationale, et recommande 10 000 $ pour chacun. La Ville de Montréal a jusqu'au 25 février 2011 pour se conformer à  la recommandation, à  défaut de quoi le dossier sera porté devant le Tribunal des droits de la personne.

« Quelle belle façon pour célébrer le Mois de l'Histoire des Noirs ! », dit M. Fini. « Nous encourageons tous les membres de la communauté noire, notamment ceux d'origine africaine, à  porter plainte si jamais ce genre de situation leur arrivait. C'est une belle victoire morale pour nous », ajoute-il.

« Espérons que ce cas va renforcer le message selon lequel il est discriminatoire, surtout de la part d' un agent de l'ordre, de dire à  une personne de couleur de retourner chez elle ou d'aller vivre ailleurs si elle n'est pas heureuse au Québec », souligne le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

Malgré cette décision, le couple risque d'attendre encore longtemps avant d'obtenir sa compensation. Depuis trois ans, la Ville de Montréal multiplie les procédures judiciaires pour empêcher les cas de discrimination ou de profilage racial d'être traités par la Commission des droits et le Tribunal des droits de la personne.